Ne renonçons pas à l'éducation populaire
Tribune publiée dans le Journal du Dimanche du 8 avril 2018 - Nadia Bellaoui, secrétaire générale de la Ligue de l’enseignement, Marie-Aleth Grard, vice-présidente d’ATD Quart Monde, Hélène Grimbelle, présidente du Collectif des associations partenaires de l’école (Cape), Liliana Moyano, présidente de la FCPE, et Irène Péquerul, déléguée générale des Francas lancent un appel pour une éducation populaire.
Les comparaisons internationales sont formelles : la France est l'un des pays développés dans lesquels l'origine sociale pèse le plus sur le destin scolaire des élèves. Malgré la massification de l'école, le milieu social d'un enfant demeure un déterminant fondamental de la réussite. La lecture régulière, l'attention à la transmission entre les parents et leurs enfants, l'aisance sociale et la capacité à s'exprimer en public confèrent, dans le cadre de l'école, un avantage décisif et expliquent l'essentiel des variations observées dans les parcours scolaires.
C'est en ce sens que les activités péri- et extra scolaires peuvent être un puissant levier de réussite de tous les élèves. En complément de l'école, ces activités constituent l'un des temps éducatifs où les enfants découvrent autrement des sports, des arts, des sciences, où ils développent des compétences transférables en classe, d'ordres moteur, socio-affectif, relationnel et cognitif. Alors que la France faisait partie des pays d'Europe où la proportion d'écoliers suivant des activités périscolaires était la plus faible (en 2013, ils étaient 13 %, soit moins d'un million), elle a triplé son offre en deux ans. En 2015, après la généralisation de la semaine de quatre jours et demi, 3,6 millions d'enfants étaient accueillis en accueils collectifs de mineurs. Ce mouvement a bénéficié à tous, jusqu'aux enfants des milieux populaires.
80% des communes reviennent à la semaine de quatre jours et s'apprêtent à renoncer à la dynamique des projets territoriaux
Pour la première fois de manière massive, tous les acteurs territoriaux des "temps de l'enfant" (école, collectivités territoriales, associations, enseignants, élus, animateurs, parents d'élèves, etc.) ont été amenés à se concerter. Les projets éducatifs de territoire (PEDT) les plus ambitieux ont ainsi permis d'organiser la mixité des publics en levant les freins culturels et en prenant en compte la question de l'accès : réflexion sur les tarifs, les transports, l'information.
Aujourd'hui, près de 80% des communes reviennent à la semaine de quatre jours et s'apprêtent à renoncer, faute de financements dédiés, à la dynamique des projets territoriaux construits avec l'ensemble des acteurs éducatifs.
La période est cruciale. L'Etat et la Caisse nationale des allocations familiales finalisent la convention d'objectifs et de gestion par laquelle ils s'engagent à accompagner les familles ; les collectivités procèdent aux derniers arbitrages budgétaires pour la rentrée 2018-2019.
La massification des activités péri scolaires et extrascolaires est une des clés pour lutter contre les inégalités à l'école
C'est pourquoi nous, associations d'éducation populaire, engagées dans l'organisation d'activités éducatives pour tous et représentant des parents d'élèves, appelons les pouvoirs publics à ne pas renoncer à ce défi collectif en consacrant les financements publics permettant de :
- poursuivre l'investissement de la nation en faveur des activités éducatives sur tous les temps de l'enfant (pause méridienne, accueils périscolaires, centres de loisirs éducatifs) ;
- amplifier les dynamiques territoriales de concertation entre élus, enseignants, parents d'élèves, acteurs associatifs, enfants et jeunes pour mobiliser toutes les ressources éducatives ;
- renforcer la qualité des apprentissages en développant la formation et le développement professionnel de tous ces acteurs.
La massification des activités péri scolaires et extrascolaires inscrites dans des projets éducatifs territoriaux partagés est une des clés pour lutter contre les inégalités à l'école, qui sapent, depuis des décennies les fondements de la République. Ne rebroussons pas chemin, allons encore plus loin.